Conflits
La région méditerranéenne est en proie à des troubles géopolitiques et devient le théâtre de conflits et de différends de longue date qui exacerbent des tensions profondément enracinées. Une action urgente est nécessaire pour parvenir à la paix et à la sécurité, tout en abordant les causes profondes des menaces qui pèsent sur la région, afin de garantir la stabilité et la coopération.
Sarra Messaoudi
Forte de ses nombreuses années d’action en faveur de la paix, la jeunesse de Sarra Messaoudi ne saurait être synonyme d’inexpérience. En effet, malgré son jeune âge, l’activiste tunisienne est déjà intervenue au Conseil de sécurité des Nations Unies, lors de la Semaine de la paix à Genève ainsi qu’à l’Africa Resilience Forum – tout en ayant obtenu un master en gestion des organisations à but non lucratif à la prestigieuse École Supérieure des Sciences Économiques et Commerciales de Tunisie. Actuellement responsable régionale de la Coalition MENA pour la jeunesse, la paix et la sécurité, une plateforme qui rassemble quelque 200 organisations et individus dirigés par des jeunes dans 17 pays, Sarra est fermement décidée à transformer la région en un lieu plus prospère et plus pacifique pour tous.
Une des raisons pour lesquelles elle a choisi de se focaliser sur le rôle des jeunes dans ce domaine s’explique notamment par le poids démographique considérable qu’ils représentent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, soit environ 50 % de la population, mais également par leur volonté d’être entendus. L’Agenda Jeunesse, Paix et sécurité des Nations Unies reconnaît leur centralité en la matière, c’est pourquoi la résolution de 2015 appelle les États membres à donner davantage la parole aux jeunes dans les processus de prise de décision. Selon Sarra, la promotion d’espaces civiques dirigés par des jeunes est essentielle pour faire progresser cet agenda, de façon à créer une approche ascendante efficace conduisant à une participation significative des jeunes aux actions en faveur de la paix et de la sécurité.
“« Notre compréhension de la paix, de la sécurité et de l’engagement des jeunes peut être très différente », explique-t-elle. « Nous sommes dans un contexte qui nous est propre et nous avons une vision de la paix qui nous est propre. Nous promouvons une paix juste, une paix positive basée sur les droits humains, et non une paix qui nous est soudainement imposée et qui ne nous parle pas ».
« Il est très important de disposer d’un espace dirigé, possédé et conçu par les jeunes », affirme-t-elle, en opposant cette forme de débat et de dialogue civiques aux « coalitions, programmes et réseaux lancés par des organisations internationales ou co-présidés par des gouvernements ». Ceux-ci, dit-elle, peuvent servir d’inspiration pour des modèles à suivre, toutefois elle estime que les jeunes devraient être plus intimement impliqués dans l’élaboration du discours sur la paix et la sécurité.
Selon elle, cela signifie non seulement qu’il est fondamental que ces espaces soient dirigés par des jeunes, mais aussi qu’ils soient arabophones si l’on veut que l’Agenda Jeunesse, Paix et Sécurité prospère au niveau régional. « Nous pensons que le niveau national ne sera influencé que si le niveau régional est fort », explique-t-elle. Et dans un monde où les publications sont principalement disponibles en anglais, la lingua franca des activités au sein de la Coalition MENA pour la jeunesse, la paix et la sécurité est l’arabe, un choix délibéré visant à engager les jeunes de la région, à promouvoir un sentiment de confiance et d’appartenance, et à égaliser les règles du jeu.
Contrairement aux réseaux ou organisations plus importants, l’objectif de cette coalition auto-organisée et basée sur le volontariat n’est pas tourné vers l’extérieur, avec ce que Sarra appelle des « solutions traditionnelles ». Son principal public cible est plutôt constitué de ses propres membres, et la plupart de ses efforts sont concentrés en interne. La coalition organise des activités de renforcement des capacités, accueille des événements qui permettent aux membres d’échanger des idées et de déterminer des plans d’action concrets, fournit aux jeunes activistes à risque des ressources et des contacts, et mène des activités de plaidoyer. L’un de ses projets phares consiste à dispenser une formation en arabe à des formateurs dans le domaine de la jeunesse, de la paix et de la sécurité, afin qu’ils puissent partager leurs connaissances aux niveaux local et régional. Récemment, un membre palestinien a fait le tour des universités américaines pour témoigner de son expérience dans la bande de Gaza. La coalition soutient également les investissements privés dans le secteur et a appuyé la recherche dans ce domaine.
Mais alors que les conflits en cours, en marge d’une agitation géopolitique plus large, continuent de menacer la stabilité de la région MENA, il est indéniable que la « paix juste » à laquelle Sarra et ses collègues de la Coalition MENA pour la jeunesse, la paix et la sécurité aspirent profondément soit perçue par beaucoup comme un concept abstrait et lointain susceptible de ne jamais voir le jour. Dès lors, pour quelle raison Mme Messaoudi continue-t-elle à poursuivre son action face à une telle adversité ? La réponse à cette question, dit-elle, est liée au pouvoir durable de l’espoir.
« De nombreuses personnes sont prêtes à écouter et de nombreuses autres portent un regard nouveau sur la situation », dit-elle. « Si nous comprenons que la construction de la paix est un processus qui se déroule sur plusieurs années, et si les personnes présentes sur le terrain commencent vraiment à changer d’état d’esprit et à prendre conscience qu’une injustice commise quelque part est une injustice commise dans le monde entier, la politique changera. Si les jeunes continuent à se battre, la paix finira par arriver ».