Changement climatique
La Méditerranée se réchauffe à un rythme 20 % supérieur à celui du reste du monde. L’élévation du niveau des mers et les phénomènes météorologiques extrêmes ravagent ses écosystèmes fragiles, aggravent la pénurie d’eau et menacent nos systèmes alimentaires. Des mesures immédiates sont indispensables pour lutter contre cette menace existentielle et protéger notre environnement.
Maria Snoussi
Maria Snoussi est géo-scientifique côtière. À ce titre, elle connaît bien les côtes méditerranéennes et plus particulièrement celles de son pays. Au cours de ses études, puis de sa vie professionnelle, elle a parcouru la région et le reste du monde pour en savoir plus sur le fonctionnement des environnements côtiers et leur vulnérabilité face aux changements climatiques et environnementaux.
Durant sa présidence à la tête du Conseil scientifique de l’Institut national de recherche pour le développement durable (IRD) de France, elle a enrichi ses connaissances sur la science de la durabilité dans les régions intertropicales et méditerranéennes. C’était la première fois qu’une personnalité femme, étrangère, et qui plus est d’un pays du Sud, s’est retrouvée à la tête d’un tel Conseil. C’est tout à fait extraordinaire compte tenu de la sous-représentation des femmes dans les sciences, où moins d’un tiers des chercheurs dans le monde sont des femmes.
On peut se demander ce qu’il faut à une femme et à une étrangère pour se retrouver à la tête d’une telle institution. Engager une conversation avec elle pourrait vous donner quelques indices : assise sur une chaise, sa posture est à la fois élégante et décontractée. Maria Snoussi vous regarde droit dans les yeux, avec toujours une étincelle d’amusement dans le regard. Mais surtout, elle est passionnée par son travail et par la manière de le mettre à la portée des gens.
Pour la chercheuse, la communication autour du changement climatique et environnemental est essentielle pour former et sensibiliser les décideurs et les aider à faire des choix éclairés qui auront un impact sur la vie des citoyens :
« Nous devons informer et éclairer l’opinion publique en utilisant des sciences solides, y compris les sciences sociales et humaines, mais aussi les connaissances locales et traditionnelles ».
La Méditerranée est une des régions les plus vulnérables au changement climatique. « Nous sommes confrontés à un cocktail de défis mondiaux : le réchauffement de la planète, l’acidification des océans, la perte accélérée de la biodiversité, la dégradation des écosystèmes… ». La scientifique souligne que les pays méditerranéens doivent relever ces défis en tant que région et aller au-delà des politiques nationales. “Lorsqu’il s’agit de défis régionaux et mondiaux, les États ne pourront pas y répondre individuellement. Il est important d’avoir une vision commune et partagée”. Cependant, son discours est posé, tout comme son langage corporel lorsqu’elle parle. Elle voit le monde à travers un prisme clair et semble comprendre que les réponses à nos défis pourraient se trouver dans le juste milieu. « En même temps, il est nécessaire d’élaborer des stratégies nationales et locales qui répondent aux besoins des communautés et des décideurs. La coopération entre les régions méditerranéennes permet de construire et de développer des connaissances et des pratiques communes ».
Outre son passage à l’IRD, la chercheuse marocaine a été membre du comité de pilotage du Réseau méditerranéen d’experts sur le changement climatique et environnemental (MedECC, de son acronyme anglais) – dont elle fait encore partie – à l’origine du premier rapport scientifique sur le changement climatique et environnemental en Méditerranée, dont les conclusions alarmantes ont confirmé nos intuitions sur la situation de la région. Ce rapport est le fruit de l’engagement politique de l’UpM et de ses États membres, qui ont souligné la nécessité de disposer de davantage de données scientifiques sur le changement climatique en Méditerranée et qui ont soutenu la création du réseau MedECC en 2015.
Maria Snoussi a codirigé les recherches menées dans le cadre de cette étude et son expertise lui a valu des prix et un siège à diverses tables, de l’université de Rabat au comité de la CIESM sur les systèmes côtiers. Ella a également dirigé de nombreux projets et son expertise lui a valu un siège dans diverses commissions nationales, régionales (MedWet, MedGOOS, BlueMed…), et internationales (GOOS, IOCEA…). Elle est actuellement fortement engagée dans les plans de gestion intégrée des zones côtières, y compris leur adaptation à faire face au changement climatique.
L’experte côtière chérit sa région et est convaincue que les pays, les villes et les cultures s’uniront de la manière la plus constructive qui soit. « Tous les pays méditerranéens connaissent des changements démographiques, sociaux, culturels, économiques et écologiques rapides. Mais il existe une forte volonté des états des deux rives de la Méditerranée, de construire ensemble une Méditerranée saine, stable et prospère ».